10 mars, 2014

2065 Le secret de Prydz Bay.... Le monde perdu.


Elle fit quelques mouvements de yoga, puis s’étendit sur son lit en caressant tendrement son ventre.
- Je suis sûre que nous allons voir papa rapidement.
Elle ferma les yeux et lentement s’immergea dans le rêve tandis qu’un souffle frais provenant de la fenêtre caressait son visage. Elle ouvrit les yeux du rêve dans un endroit sombre et peu éclairé… sous la terre, dans une galerie ou une mine. Son corps, à sa surprise, était masculin et de haute stature. Sa peau cuivrée et son odeur surprenaient, c’était inhabituel. Cette suavité et ce parfum métallique n’entraient pas dans sa gamme du connu. Elle cherchait dans sa mémoire, qui d’ailleurs s’estompait pour laisser place à des pensées réduites, faites des choses essentielles à la vie attenantes à ces conditions particulières. Elle avança jusqu'à un espace plus grand où des machines étranges creusaient la roche, faisant jaillir d’étincelants jets de lumières multicolores… Le minerai ainsi extrait, voyageait sur des containers lévitant à hauteur de genoux, jusqu'à une plus grande salle dans laquelle un tapis métallique le convoyait vers l’extérieur. Elle se voyait diriger ce convoi, puis sortir à la lumière du jour… L’entrée de la mine se posait à flanc de colline, clairsemée d’arbres et de savane. Un grand terre-plein aménagé en contrebas recevait régulièrement la visite d’engins volants d’une couleur vert foncé… Elle se voyait parler à une femme de sa race, grande elle aussi, qui possédait des yeux en amande d’une profondeur et d’un bleu foncé étonnant… Alex entendit ses paroles par l’intermédiaire d’une voix qui lui parut exagérément aiguë…
- Tu connais ma dévotion envers Enlil, mais il a fauté, aux yeux de la Terre d’en-haut cependant, en les envoyant tous deux ici en terre d’Abzu, cela devait fatalement arriver. Le Gugi, qui tous les jours est transporté de la terre vers Meribu, lui a donné des idées de pouvoir, mais ces deux-là…
- Enlil et Ea étaient déjà amants avant d’arriver en ce lieu… Nous sommes manipulés par la Terre d’en-haut… ils veulent plus et plus encore, ce sont eux les véritables tyrans du pouvoir… Alani, il nous faut quitter ce lieu pour Antarctica, les Anoukis sont prêts ; dès demain, nous agirons.
Alani, de ses grands yeux bleus, fixa Tuur.
- Je m’envolerai avec toi, bien aimé, nous irons fonder Laraak en territoire Antarctica si tel est ton désir… Tu sais très bien que je te suis, par choix, soumise et aimante.
À l’abri d’un arbre séculaire, ils s’embrassèrent et s’étreignirent interminablement. Le soir venu, dans leur spacieuse habitation, un groupe d’une trentaine de personnes se réunit dans le jardin intérieur cependant qu’à l’extérieur, le cri des prédateurs faisait écho à la blancheur de la lune.
- Mes amis, mes frères et mes sœurs, le moment est enfin venu de mettre en action notre plan maintes fois élaboré. Les engins volants et navigants sont prêts, demain à l’aube nous partirons. Nous formerons deux groupes, Laraak qui partira en droite ligne vers Antarctica et Nippoor, sous la mer, nous rejoindra par la route de l’est.
Tous se séparèrent après une longue chaîne silencieuse pendant laquelle Tuur invoqua l’Esprit.
- Nous nous rejoindrons avant les premières lueurs de l’aube…
Le leader du groupe Nippoor ordonna le départ de la flotte, constituée de douze engins sous-marins remplis de matériel.
Tuur et Alani partirent quelques minutes plus tard à bord d’un des cinq engins volant noir et vert, de grande taille. Ils ne communiqueraient pas entre eux avant le lendemain, répit et moment de silence que leur procurait aujourd’hui la fête d’Eaa la déesse mère, moment pendant lequel les dévots devaient garder le silence… Alexandra, dans la peau de Tuur, avait la sensation que leur pays de départ était l’actuelle Afrique du Sud… Le voyage par les airs dura une dizaine d’heures. L’arrivée sur Antarctica fut guidée par un petit groupe parti en éclaireur, un mois auparavant, les hangars avaient déjà été excavés par les machines et les engins de Laraak purent y prendre place facilement. Les habitations, à quelques lieus de la côte, pouvaient recevoir tout le groupe sans restriction… Le rêve de Tuur et Alani prenait forme, la base marine était en cours d’achèvement, il ne restait plus qu’à attendre l’arrivée de Nippoor et de faire face aux reproches de la Terre d’en-haut… Elle reconnaissait au travers du rêve, la côte du territoire de New Davis où dans cette présente incarnation, elle avait choisi de résider… Mais un mot revenait souvent, Sumer. Le lendemain, le groupe Laraak se remit au travail, les excavations continuèrent jusqu'à ce que la base sous-marine et son entrée sous la surface de l’eau soit achevée. Le groupe Nippoor arriva cinq jours plus tard, ayant perdu deux des leurs lors d’une éruption sous-marine qui engendra un dérèglement magnétique des instruments de navigation et de communication ; ils essayèrent de nombreuses fois de rentrer en contact avec eux mais sans succès. Télépathiquement cependant, une information leur parvint… les deux navires continuaient leur route plus à l’est, naviguant d’après les étoiles vers une île proche. La Terre d’en-haut, apparemment, avait dû faire face à la révolte des Anoukis des différentes colonies excavatrices, ce qui leur laissait une certaine chance. Alexandra voyageait toujours dans le rêve, ce qui lui donnait un sentiment de gratitude et de plénitude… Le travail continua sur Laraak, les cultures prospérèrent et les exploitations minières commencèrent, loin des habitations et au moyen, cette fois-ci, de machines autonomes en énergie et robotisées. La vie s’organisa, les jardins fleurirent, des enfants naquirent dont celui tant attendu de Tuur et Alani, une fille prénommée Our. L’Esprit qui n’avait nul besoin de temple, veillait dans le cœur de chacun. Les deux sous-marins disparus n’arrivèrent jamais à Antarctica. Pourtant une nuit, nombreux furent ceux qui rêvèrent des deux navires-submersibles arrivant à destination sur leur île et s’y installant. Ils étaient dix-neuf, onze femmes aux yeux bleus et huit hommes aux yeux noirs… ils creusèrent dans la montagne car de nombreuses fois le vent violent et les engins volants de la Terre d’en-haut traversèrent le ciel de l’île…
Sur Antarctica, on les oublia, les laissant en paix, face à leur choix de vie. Le commerce du Gugi se fit avec la grande nation de l’Est par voie de mer ; tout prospéra jusqu’au terrible basculement d’axe de la Terre qui plaça les terres extrêmes du Nord et du Sud sous la neige… le froid devint plus vif et s’éternisa amenant le conseil à préférer l’exode vers une terre plus propice à l’est dans laquelle Alexandra reconnut l’actuelle Australie…