Elle fit quelques mouvements de yoga,
puis s’étendit sur son lit en caressant tendrement son ventre.
- Je suis sûre que nous allons
voir papa rapidement.
Elle ferma les yeux et lentement s’immergea dans le rêve tandis
qu’un souffle frais provenant de la fenêtre caressait son visage.
Elle ouvrit les yeux du rêve dans un endroit sombre et peu éclairé…
sous la terre, dans une galerie ou une mine. Son corps, à sa
surprise, était masculin et de haute stature. Sa peau cuivrée et
son odeur surprenaient, c’était inhabituel. Cette suavité et ce
parfum métallique n’entraient pas dans sa gamme du connu. Elle
cherchait dans sa mémoire, qui
d’ailleurs s’estompait pour laisser place à des pensées
réduites, faites des choses essentielles à la vie attenantes à ces
conditions particulières. Elle avança jusqu'à un espace plus grand
où des machines étranges creusaient la roche, faisant jaillir
d’étincelants jets de lumières
multicolores… Le minerai ainsi extrait, voyageait sur des
containers lévitant à hauteur de genoux, jusqu'à une plus grande
salle dans laquelle un tapis métallique le convoyait vers
l’extérieur. Elle se voyait diriger ce convoi,
puis sortir à la lumière du jour… L’entrée de la mine se
posait à flanc de colline, clairsemée d’arbres et de savane. Un
grand terre-plein aménagé en contrebas
recevait régulièrement la visite d’engins
volants d’une couleur vert foncé…
Elle se voyait parler à une femme de sa race, grande elle aussi, qui
possédait des yeux en amande d’une profondeur et d’un bleu foncé
étonnant… Alex entendit ses paroles par l’intermédiaire d’une
voix qui lui parut exagérément aiguë…
- Tu connais ma dévotion envers Enlil, mais il a fauté, aux
yeux de la Terre d’en-haut
cependant, en les envoyant tous deux ici en terre d’Abzu, cela
devait fatalement arriver. Le Gugi, qui
tous les jours est transporté de la terre vers Meribu, lui a donné
des idées de pouvoir, mais ces deux-là…
- Enlil et Ea étaient déjà amants avant d’arriver en ce
lieu… Nous sommes manipulés par la Terre
d’en-haut… ils veulent plus et plus
encore, ce sont eux les véritables tyrans du pouvoir… Alani, il
nous faut quitter ce lieu pour Antarctica, les Anoukis sont prêts ;
dès demain, nous agirons.
Alani, de ses grands yeux bleus, fixa Tuur.
- Je m’envolerai avec toi, bien aimé, nous irons fonder
Laraak en territoire Antarctica si tel est ton désir… Tu sais très
bien que je te suis, par choix, soumise et aimante.
À l’abri d’un arbre séculaire, ils
s’embrassèrent et s’étreignirent interminablement. Le soir
venu, dans leur spacieuse habitation, un groupe d’une trentaine de
personnes se réunit dans le jardin intérieur cependant qu’à
l’extérieur, le cri des prédateurs faisait écho à la blancheur
de la lune.
- Mes amis, mes frères et mes sœurs, le moment est enfin
venu de mettre en action notre plan maintes
fois élaboré. Les engins
volants et navigants sont prêts, demain à l’aube nous partirons.
Nous formerons deux groupes, Laraak qui partira en droite ligne vers
Antarctica et Nippoor, sous la mer, nous rejoindra par la route de
l’est.
Tous se séparèrent après une longue chaîne
silencieuse pendant laquelle Tuur invoqua l’Esprit.
- Nous nous rejoindrons avant les premières lueurs de l’aube…
Le leader du groupe Nippoor ordonna le départ de la flotte,
constituée de douze engins sous-marins remplis de matériel.
Tuur et Alani partirent quelques minutes plus tard à bord d’un des
cinq engins volant noir et vert, de grande taille. Ils ne
communiqueraient pas entre eux avant le lendemain, répit et moment
de silence que leur procurait aujourd’hui la fête d’Eaa la
déesse mère, moment pendant lequel les dévots devaient garder le
silence… Alexandra, dans la peau de Tuur, avait la sensation que
leur pays de départ était l’actuelle Afrique du Sud…
Le voyage par les airs dura une dizaine d’heures. L’arrivée sur
Antarctica fut guidée par un petit
groupe parti en éclaireur, un mois auparavant, les hangars avaient
déjà été excavés par les machines
et les engins de Laraak purent y prendre place facilement. Les
habitations, à quelques lieus de la
côte, pouvaient recevoir tout le groupe
sans restriction… Le rêve de Tuur et Alani prenait forme, la base
marine était en cours d’achèvement, il ne restait plus qu’à
attendre l’arrivée de Nippoor et de faire face aux reproches de la
Terre d’en-haut… Elle reconnaissait
au travers du rêve, la côte du
territoire de New Davis où dans cette présente incarnation, elle
avait choisi de résider… Mais un mot
revenait souvent, Sumer. Le lendemain, le groupe Laraak se
remit au travail, les excavations continuèrent jusqu'à ce que la
base sous-marine et son entrée sous la surface de l’eau soit
achevée. Le groupe Nippoor arriva cinq jours plus tard, ayant perdu
deux des leurs lors d’une éruption sous-marine qui engendra un
dérèglement magnétique des instruments de navigation et de
communication ; ils essayèrent de nombreuses fois de rentrer en
contact avec eux mais sans succès. Télépathiquement cependant, une
information leur parvint… les deux navires continuaient leur route
plus à l’est, naviguant d’après les étoiles vers une île
proche. La Terre d’en-haut,
apparemment, avait dû faire face à la révolte des Anoukis des
différentes colonies excavatrices, ce qui leur laissait une certaine
chance. Alexandra voyageait toujours dans le rêve, ce qui lui
donnait un sentiment de gratitude et de plénitude… Le travail
continua sur Laraak, les cultures
prospérèrent et les exploitations minières commencèrent, loin des
habitations et au moyen, cette fois-ci,
de machines autonomes en énergie et robotisées. La vie s’organisa,
les jardins fleurirent, des enfants naquirent dont celui tant attendu
de Tuur et Alani, une fille prénommée Our. L’Esprit qui n’avait
nul besoin de temple, veillait dans le cœur de chacun. Les deux
sous-marins disparus n’arrivèrent jamais à Antarctica.
Pourtant une nuit, nombreux furent ceux qui rêvèrent des
deux navires-submersibles arrivant à destination sur leur île et
s’y installant. Ils étaient dix-neuf,
onze femmes aux yeux bleus et huit hommes aux yeux noirs… ils
creusèrent dans la montagne car de nombreuses fois le vent violent
et les engins volants de la Terre d’en-haut
traversèrent le ciel de l’île…
Sur Antarctica, on les oublia, les
laissant en paix, face à leur choix de vie. Le
commerce du Gugi se fit avec la grande nation de l’Est par
voie de mer ; tout prospéra jusqu’au terrible basculement
d’axe de la Terre qui plaça les
terres extrêmes du Nord et du Sud sous la neige… le froid devint
plus vif et s’éternisa amenant le conseil à
préférer l’exode vers une terre plus
propice à l’est dans laquelle Alexandra reconnut l’actuelle
Australie…
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